RANDOM 1000 DRAWINGS

L'invention, même en art, ne dure jamais qu'un temps. La création se concentre dans un moment fulgurant, toujours initial, où quelque chose émerge ex nihilo et trouve sa forme d'équilibre. La suite n'est plus invention mais développement de l'impulsion initiale, thésaurisation. Gilles Balmet s'est toujours passionné pour ce premier moment privilégié, ce "big bang" où la forme a déjà trouvé son organisation essentielle mais où les possibles restent ouverts. Pour le projet Random, 1000 drawings, il a choisi de laisser chacun des mille dessins à ce stade où l'image est comme une ébauche incertaine, une invitation adressée au spectateur à projeter ses propres interprétations, ses propres développements. On peut voir dans cette volonté de faire du dessin moins la fixation d'une idée qu'un appelle à l'invention, un lien avec le test de Rorschach déjà cité par l'artiste dans une série de peintures ou plus encore avec la méthode de Léonard analysée par Gombrich chez qui la création initiale du dessin n'abouti pas à une forme figée mais devient la matrice d'une invention toujours recommencée.
Le recours à Internet qui, étant plus cryptique qu'ostentatoire, peut dans un premier temps dérouter, sert ce projet en le dotant d'une mutabilité presque infinie : Un script inclus dans la programmation introduit en effet le hasard dans l'apparition des images. A chaque actualisation de la page six dessins s'affichent, prélevés aléatoirement dans la base de donnée de mille dessins, offrant ainsi la possibilité d'un trillion de combinaisons. Ce sont donc un trillion de séquences, un trillion d'échos formels, d'invitations à interpréter qui s'offrent au visiteur du site.
Plutôt que d'offrir une forme finie à contempler, Random, 1000 drawings est donc une œuvre ouverte qui joue avec notre faculté d'interpréter les formes, d'établir entre elles des rapports et de les extrapoler dans des directions toujours nouvelles. Elle est une ébauche changeante et inachevée, un appel inépuisable à l'invention.

B.Broisat