GILLES BALMET / BACK

 

Aïkido

Fenêtre sur cour est désormais non plus un film mythique mais un concept qui reflète beaucoup de préoccupations constantes du monde l'art contemporain et l'engouement s'explique d'ailleurs aisément. L'idée d'épier le monde via le trou de la serrure, chère aussi à Marcel Duchamp de " Etant donné ", a fait depuis son chemin et à chaque fois elle surprend par son actualité. La société est et reste voyeuriste dans tout ce qu'elle entreprend mais du côté des artistes la chose n'est pas entendue à la légère et le parti pris critique est en règle générale de mise. Gilles Balmet, très jeune artiste formé à Grenoble, focalise pour ainsi dire sa démarche sur le regard porté sur ce qui se passe en face. Dans sa vidéo intitulée Aïkido, nous assistons en voisins à travers la lucarne d'un format plastique à souhait, à la fin d'une séance d'entraînement d'un club d'arts martiaux. Ce que nous percevons est a fortiori fragmenté et découpé mais ceci ne nous empêche pas, a contrario, de compléter par l'imagination ce que la fenêtre dissimule. Et une vraie histoire se met en place, une belle dynamique de groupe, une " esthétique " autrement relationnelle se laisse surprendre et le film devient au fil de son déroulement fascinant. Tous les ingrédients d'une intelligence artistique sont là. L'anonymat de la scène, le cadre post minimal de la fenêtre, l'éclairage que le hasard a imposé, la distanciation et son corollaire paradoxale, la familiarité intrinsèque qui se détache des personnages, la scène qui alimente volens nolens son propre scénario. Ce que l'artiste offre, en fin de compte, est un film d'action et de nouvelle vague en même temps. Je peux d'ailleurs l'avouer, depuis je n'arrive plus à l'oublier et à mes yeux ceci est un critère sine qua non d'une oeuvre aboutie.

 

Ami Barak

 

Texte extrait du catalogue de l'exposition Jeunisme 2 au Frac Champagne-Ardenne.